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Lettre de Rentrée

Objet : Lettre de rentrée 2008.

Chers Collègues,

A l’aube de cette nouvelle année scolaire, Je souhaite m’adresser aux professeurs d’anglais, mais aussi à l’ensemble des professeurs de langues vivante car, au-delà des différentes disciplines, nos pratiques de classe sont inspirées par la même dynamique générale de rénovation.

Cette lettre permettra à la fois de mesurer le chemin parcouru en 2007 grâce à votre participation active, et de préciser sous quels auspices se place l’année 2008.

L’adoption du CECR (Cadre Européen Commun de Référence) par l’Education Nationale comme base d’élaboration des programmes d’enseignement des langues vivantes constitue un tournant majeur. Il était en effet devenu nécessaire de réformer notre façon trop abstraite d’enseigner dans ce domaine, en définissant un objectif prioritaire de communication principalement orale, à travers une variété de situations se rapprochant de la vie réelle afin d’être plus performants.

Derrière ce projet novateur se dessine la volonté politique de construire des espaces nouveaux, cohérents et pacifiés, réunissant les conditions de la mobilité des personnes par-delà les barrières linguistiques. On pense évidemment à l’Europe dont la réalisation fait contrepoids au phénomène de mondialisation et d’uniformisation des modes de vie sur fond d’usage hégémonique de l’anglais.

Mais le concept pourrait aussi bien être transposé dans la région du Pacifique Sud, dans le cadre de notre Ecole qui fait le pari de la diversité culturelle et du plurilinguisme pour répondre positivement au nivellement mondialiste.

C’est très certainement dans cette optique, située aux antipodes de toute entreprise élitiste, qu’il convient d’envisager l’utilité des « sections européennes » en Nouvelle-Calédonie et de tout apprentissage linguistique au sens large, si l’on ne veut pas perdre de vue ce but qui consiste à former des citoyens responsables et tolérants, capables d’envisager un destin commun sur le socle républicain de valeurs universelles.

L’objectif affiché de « vivre ensemble » dans les documents officiels prend un relief saisissant ici dans le contexte particulier de la Nouvelle-Calédonie, collectivité « sui generis » qui doit s’inventer un avenir unitaire.

Enseigner plus efficacement, cela signifie concrètement qu’il convient d’être à la fois pragmatique et ouvert à la notion d’altérité.

Le CECR est un outil qui sert à enseigner, apprendre et évaluer ; il décrit les compétences que les élèves doivent maîtriser au cours de leur apprentissage linguistique pour communiquer, réparties sur un étagement de trois niveaux communs de référence. Cet outil transversal à toutes les langue parlées sur la planète introduit des changements en profondeur, notamment dans la façon d’évaluer qui devient plus positive, en s’appuyant sur un référentiel de compétences explicite et cohérent permettant de mesurer les progrès effectués.

De même, le caractère ciblé de l’évaluation nous conduira peu à peu à considérer séparément les différentes activités langagières désormais au nombre de cinq. La rénovation du BAC STG en 2007 nous a donné l’occasion de mettre en application cette règle lors des épreuves orales organisées dans les lycées. Les équipes de professeurs ont collaboré à la constitution d’une banque académique de documents déclencheurs servant à évaluer les élèves en expression orale. Les supports retenus, principalement mais pas exclusivement iconographique, ont permis de vérifier la capacité du candidat à réagir et à interagir dans le cadre d’une situation de communication suscitée par le document, sans pour autant que ce dernier fasse l’objet d’un compte-rendu, la compréhension étant évaluée ailleurs.

Le CECR privilégie l’approche actionnelle qui vise à réaliser des tâches communicatives les plus authentiques possibles, motivées par un besoin ou par un objectif, et générant un résultat identifiable. On retiendra le critère d’authenticité allié à la prise en compte des centres d’intérêt des élèves comme ressort essentiel favorisant l’expression orale.

Cette inversion de la perspective traditionnelle, qui consiste à convoquer le réel dans la salle de cours en lieu et place des activités déterminées et déterministes du manuel, permet de prendre conscience qu’une langue parlée est vivante, avec tous ses aspects imprévus et aléatoires qui sont le propre de la vie, et qui sont acceptés comme tels dans d’autres cultures éducatives davantage habituées à la prise de risque.

Les conséquence méthodologiques qui résultent de ce renversement sont considérables puisqu’elles supposent notamment un travail d’équipe des professeurs de langue, la constitution de banques de documents pédagogiques collectés principalement sur Internet. Ce qui suppose aussi une formation adaptée des enseignants sur l’usage des TICE en cours de langue.

S’il est aisé de démontrer la validité de cette nouvelle approche, il ne faudrait pas pour autant nier les difficultés liées à sa mise en œuvre, surtout pour les professeurs les plus isolés de l’Intérieur et des Iles. Ce sont eux qui doivent être plus particulièrement épaulés. A cet effet, je complèterai prochainement mes tournées d’information en ces lieux.

Toutefois nous sommes engagés dans un processus évolutif et je ne doute pas que chacun aura à coeur d’appliquer l’essentiel des principes du CECR en les adaptant à la réalité de sa classe pour que nos élèves maîtrisent mieux la pratique des langues vivantes. En conciliant approches vivantes et entraînement systématique par le biais d’exercices phonologiques et grammaticaux, nous gagnerons encore en efficacité.

La notion d’altérité est constitutive de tout apprentissage linguistique qu’on ne saurait réduire à sa simple dimension utilitaire. Toute langue véhicule une représentation du monde perceptible dans tous les actes de communication. Ces deux aspects fonctionnent en synergie au sens où langue et culture sont deux facettes indissociables d’une réalité unique. La maîtrise d’un code linguistique à des fins de communication se trouve équilibrée par l’objectif de formation générale de l’individu.

L’ouverture internationale, matérialisée par les échanges et les déplacements à l’étranger, correspond à une démarche d’élargissement de la pensée et de dépassement des stéréotypes culturels qui fondent au mieux l’ethnocentrisme et au pire la xénophobie et le racisme.

Cette complémentarité revêt un double aspect en Nouvelle-Calédonie. Au plan national, l’école de la République est porteuse des valeurs universelles, d’égalité et de tolérance proclamées depuis la Révolution (Déclaration des Droits de l’Homme de 1789) et issues du Siècle des Lumières. Au plan académique où se côtoient plusieurs cultures traditionnelles d’inspiration océanienne, les notions d’altérité et d’ouverture culturelle trouvent leur prolongement à l’intérieur même de la société calédonienne. Leur portée universaliste reste toutefois inchangée.

Je parlerai enfin de la mise en oeuvre du Socle Commun des Connaissances et des Compétences durant l’année 2008 en Nouvelle-Calédonie, en évoquant une conséquence pratique : la vérification de l’acquisition du niveau A2 du CECR lors des épreuves du DNB de cette année (note de service n° 2008-003 du 09/01/2008).

Cet acte refondateur définit un nouveau contrat entre l’Ecole et la Nation en garantissant un savoir minimum mais non limitatif à l’issue de la scolarité obligatoire, afin de consolider réussite individuelle et cohésion nationale.

Le socle commun exprime nettement un infléchissement vers davantage de pragmatisme et de transparence. Il est composé de sept piliers distincts mais interdépendants qui concourent à poser un cadre de repères communs qualifié de « ciment social ».

En s’adressant notamment aux parents, partenaires essentiels de l’action éducative, il est rédigé dans une langue claire et accessible. Les élèves, grâce au livret d’accompagnement, sont impliqués plus activement dans leurs acquisitions.

Maîtriser un savoir de façon vivante ne consiste pas à accumuler mécaniquement et passivement des connaissances ; c’est au contraire en faisant la preuve qu’on est capable de mobiliser ses acquis à bon escient dans une situation concrète qu’on accède progressivement à l’autonomie.

C’est pourquoi le socle commun distingue les connaissances proprement dites, les capacités à les mettre en œuvre, et les comportements qui en découlent.

D’autre part, l’approche constructiviste se trouve contrebalancée par la nécessité d’ancrer les acquis grâce à des moments de pratique systématique sans lesquels un apprentissage ne peut être véritablement profitable.

La transversalité de ces piliers peut se vérifier à tout moment, notamment lorsqu’il est rappelé que « le respect des règles de l’expression (française) n’est pas contradictoire avec la liberté d’expression » (pilier 1). Cette remarque fait écho au principe d’équilibre entre la liberté individuelle (les droits) et le respect des règles de la vie en société (les devoirs) énoncé au titre du pilier 6 (instruction civique). Lui-même correspond à l’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

Priorité recentrée sur la pratique de l’oral, exposition à une langue authentique, entraînement des élèves dans le cadre d’une progression rigoureuse, ces réajustements vers davantage de pragmatisme et de bon sens témoignent d’une volonté de jeter les bases d’un enseignement des langues plus performant et plus formateur. Ce défi donne un sens nouveau au métier de professeur de langue vivante en le rendant plus complexe, mais aussi plus stimulant car ouvert aux réalités de notre temps.

Sachant pouvoir compter sur votre implication, je vous adresse mes sentiments les plus cordiaux.

Thierry FOLCHER

IPR D’anglais

Chargé de Mission pour les langues vivantes